Télétravail et entreprises : la révolution des modes d’organisation

Avantages et défis de ce mode d'organisation du travail en 2024...
télétravail en 2024

1978 : la notion de télétravail est introduite en France dans un rapport portant sur l’informatisation de la société. Presque 50 ans plus tard, elle interroge encore les acteurs du monde du travail, entreprises et salariés.

Le télétravail désigne toute forme d’organisation dans laquelle des missions qui auraient pu être exécutées au sein des locaux de l’entreprise, sont effectuées par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication.

Mais pourquoi cette organisation du travail fait-elle autant parler d’elle, encore aujourd’hui ?

La réponse réside en plusieurs points :

  • le télétravail engendre un rapport au travail et aux autres inédit, qui questionne notre conception de la société ;
  • le télétravail bouscule les enjeux et les stratégies des entreprises ;
  • le contexte de Covid-19 a nécessité son application massive et immédiate alors que beaucoup d’acteurs n’y étaient pas prêts ; ce faisant, l’après-Covid constitue un tournant à négocier dans la relation entreprise-salariés.

Voyons comment le télétravail s’impose pour les entreprises comme une composante pérenne de l’organisation du travail. Et comment y faire face côté employeurs !

1 – Droit du télétravail : un brin de culture historique ?

Rappel en image sur les bases juridiques du télétravail jusqu’à aujourd’hui.

histoire du télétravail

2 – Télétravail d’urgence : quand les entreprises n’ont pas le choix !

En 2020, la découverte et le développement du confinement, entrainent la mise en place du télétravail qui se développe alors en marche rapide dans les entreprises.

COVID-19 et télétravail

Mais ce contexte favorise l’évolution des mentalités au sein du monde professionnel. En effet, les salariés apprécient ce mode de travail. Et certaines entreprises découvrent que cette organisation leur apporte de nombreux avantages.

Selon le baromètre du télétravail, 86 % des télétravailleurs souhaitaient en 2021 poursuivre le télétravail avec une moyenne idéale de 2 jours par semaine.

Et en 2023, environ 47 % des entreprises françaises ont intégré une part de télétravail dans leur mode de fonctionnement. Un taux qui a plus que doublé depuis la période pré-pandémie.

D’une pratique occasionnelle avant 2019, puis développée en urgence dès 2020, le télétravail devient bien plus qu’une alternative temporaire.

3 – Les avantages du télétravail pour les entreprises

Ce nouveau mode d’organisation du travail se révèle porteur de multiples avantages, pour les salariés mais aussi pour les entreprises.

télétravail et performance

Notamment :

  • Une amélioration de la performance de l’entreprise

L’amélioration de l’implication et de la performance individuelles, que ce soit pour des raisons de confort de cadre de travail, de souplesse organisationnelle ou de motivation, se répercute sur la performance globale de l’entreprise et sa rentabilité.

Le télétravail permet également la baisse de l’absentéisme et impacte favorablement la continuité et l’efficacité des activités de l’entreprise.

  • Une politique moderne, engagée pour la responsabilité sociale des entreprises

Le télétravail réduit les déplacements des salariés, et donc l’impact des activités sur l’environnement**.

Etude ADEME : 1 jour de télétravail hebdomadaire = économie de 271 kilos de CO2 par an.

** Toutefois, on invite à la réflexion et au suivi de ces thématiques sur les années à venir.
Cette même étude de l’ADEME signale les effets « rebond » du télétravail, modérant son impact sur l’environnement.

  • Un atout pour fidéliser et impliquer les salariés

Le télétravail facilite l’équilibre vie privée / vie professionnelle des salariés et contribue à leur épanouissement dans ces deux sphères de leur vie. C’est pourquoi il constitue un atout de taille diminuant le turn-over au sein des entreprises.  

  • La valorisation de l’image de l’entreprise

Le télétravail renvoie une image positive de l’entreprise. Organisation souple, souci du bien-être des salariés et protection de l’environnement. De quoi plaire et booster les recrutements

  • Des économies d’échelle sur les locaux et les dépenses courantes

Ici encore, on nuance les propos car les études révèlent que les résultats diffèrent selon les pratiques mises en place.

4 – Vers un télétravail structurel et de nouveaux défis…

Le télétravail n’est donc plus une simple alternative mais un mode d’organisation à part entière qui se teste selon les activités, les effectifs et les cultures d’entreprise.

Du « full remote » (100 % télétravail) à des formes hybrides combinant présentiel et domicile, il tend à trouver sa place dans les modes d’organisation des entreprises.

Car l’enjeu est bien là : le télétravail constitue un véritable défi pour les entreprises. Face à certaines difficultés, les employeurs doivent s’adapter, investir ou repenser leurs pratiques.

Défi n°1 : définir le cadre du télétravail

Le but est d’établir en concertation avec les salariés les modalités du développement du télétravail, pour un équilibre entre intérêts individuels et performance globale. Cela nécessite de répondre à : qui ? comment ? où ? quand ?
Lorsque l’on répond à toutes ces questions, le télétravail peut être mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique. En l’absence d’accord collectif ou de charte, l’employeur et le salarié conviennent de recourir au télétravail par une clause ou un avenant au contrat de travail.
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE si existant doit être consulté avant la mise en place du télétravail.

Qui télétravaille ?

Le code du travail ne fixe aucun critère ou condition pour déterminer la possibilité de mettre en œuvre le télétravail.

Cependant, il ne s’agit pas d’un droit salarié. Il est possible que le profil d’un poste empêche la mise en place du télétravail alors que d’autres postes peuvent en bénéficier. Par conséquent, les employeurs peuvent proposer de mettre en place le télétravail uniquement pour certaines catégories de personnels.

Un employeur peut donc refuser le télétravail à un employé, même si le télétravail est mis en place au sein de l’entreprise. Il doit cependant justifier sa réponse.

Le télétravail est volontaire et le refus du salarié d’accepter un poste en télétravail n’est pas un motif de rupture du contrat de travail.

En cas de circonstances exceptionnelles (menace d’épidémie par exemple), le télétravail peut être imposé sans l’accord des salariés.

Où ?

Le salarié en télétravail peut travailler dans tous les lieux définis par l’accord collectif, la charte ou autorisés par l’employeur : à son domicile, dans un espace de co-working etc.

Quand ?

Le télétravail peut être occasionnel (quelques jours par mois ou dans l’année), ou régulier et défini en X jours par semaine.  La fréquence du télétravail se précise dans l’accord écrit (accord collectif, charte, avenant…)

Comment ?

Lorsque le télétravail s’applique, l’employeur doit :

  • fournir, installer et entretenir les équipements nécessaires au télétravail (attention, dans le cadre d’un travail à domicile et si les installations électriques et le lieu de travail sont conformes) ;
  • fixer des plages horaires durant lesquelles les salariés peuvent être contactés ;
  • veiller à la protection des données utilisées et traitées par les salariés ;
  • informer le salarié de toute restriction d’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et prévenir l’utilisateur des sanctions en cas de non-respect de ces restrictions ;
  • donner la priorité au salarié pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et l’informer de tout poste de cette nature ;
  • exiger la même charge de travail, les mêmes normes de production et critères de résultat que pour les salariés en situation comparable travaillant dans les locaux ;
  • organiser de manière équivalente un entretien annuel portant entre autres sur les conditions d’activité.

Le télétravailleur en tant que salarié de l’entreprise bénéficie des mêmes droits individuels et collectifs que l’ensemble des salariés (accès à la formation, santé et sécurité au travail, avantages sociaux, informations institutionnelles et syndicales…). Il a aussi les mêmes obligations et doit respecter les clauses prévues relatives au télétravail.

Défi n°2 : la mise en place technique du télétravail

En effet, le déploiement de l’équipement informatique et la garantie de la sécurité des données sont à l’origine d’un investissement en temps et en argent pour les entreprises.

enjeu informatique

L’espace de travail devient multiple et externe, de sorte que le matériel informatique doit être pensé pour être facilement déplacé :

  • ordinateurs portables,
  • supports de moniteurs,
  • claviers,
  • souris sans fil,
  • écrans supplémentaires…

L’employeur doit faciliter la communication pour la continuité de l’activité avec :

  • des logiciels de visioconférences / de communication (Zoom, Teams…),
  • des casques et micros,
  • des logiciels de gestion de projets (Trello, Asana…), des espaces de stockage et des outils de partage de documents (OneDrive, Dropbox, Wetransfer…).

La sécurité informatique doit être gérée hors des locaux de l’entreprise. L’employeur doit s’adapter pour garantir la sécurisation des échanges et la protection des données.

Cela passe, par exemple, par l’acquisition d’un antivirus professionnel, le développement de pare-feu et la maîtrise des accès distants, des VPN sécurisés et un système de gestion des mots de passe

Surtout, la sécurisation des matériels et des données implique une sensibilisation et un management spécifiques des salariés quant à l’utilisation des équipements informatiques :

  • mise en place d’une charte informatique pour définir les règles d’utilisation du matériel informatique mis à disposition,
  • sensibilisation aux conduites de cybersécurité,
  • séparation utilisation professionnelle / privée,
  • changements des mots de passe,
  • réalisation des mises à jour…etc.

Soit un investissement financier et temps conséquent pour établir un cadre au télétravail.

Défi n°3 : le management des équipes à distance

Le suivi à distance des équipes et du travail est un défi majeur pour les managers d’aujourd’hui. La communication est fondamentale et le suivi des actions est repensé, adapté aux réalités du télétravail.  

Dans la pratique, les espaces de partage de documents et les outils de communication sont des éléments importants de transparence et de suivi de l’activité. De même, la mesure de la productivité se concentre sur la réalisation d’objectifs dans les délais impartis plutôt que sur les heures travaillées.

Défi n°4 : veiller au maintien de la culture d’entreprise 

Créer ou maintenir une culture d’entreprise s’avère plus difficile lorsque le télétravail régulier a été mis en place. Les employeurs doivent œuvrer pour la cohésion de la structure via des réunions régulières, en présentiel ou virtuelles, des évènements d’entreprise et à encourager l’interaction sociale.

Défi n°5 : gérer les frais, au cœur de la paie !

L’employeur prend en charge les frais occasionnés par l’exercice du télétravail.

S’il est vrai que le code du travail ne prévoit plus de règle imposant à l’employeur de prendre en charge les coûts liés au télétravail, selon le rapport joint à l’ordonnance, en cas d’accord collectif ou de charte, ceux-ci doivent définir les modalités de prise en charge des coûts découlant directement de l’exercice « régulier » du télétravail exercé « à la demande de l’employeur ».

Par ailleurs, les employeurs relevant de l’ANI du 19 juillet 2005 sur le télétravail « régulier » doivent continuer à prendre en compte ses dispositions et notamment celles imposant la fourniture, l’installation et l’entretien des équipements nécessaires au télétravail en cas de télétravail au domicile et une prise en charge de certains coûts.

Enfin, en matière de frais professionnels, la jurisprudence pose pour principe général que les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur sont supportés par ce dernier (rappel également de l’ANI du 26 novembre 2020).

Les frais engagés dans le cadre du télétravail se considèrent comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi, sous réserve que les remboursements effectués par l’employeur soient justifiés par la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié.

Détermination de la nature des frais

Concrètement, ces frais se divisent en trois catégories distinctes :

  • Les frais liés à la mise à disposition d’un local privé pour un usage professionnel, fixes (loyers, charges, etc…) et variables (chauffage, électricité, etc…) ;
  • Les frais liés à l’adaptation d’un local spécifique (installation de prises téléphoniques, etc…) ;
  • Les frais de matériel informatique, de connexion et de fournitures diverses (imprimantes, ordinateurs, modem, etc…).

L’employeur prend en charge les frais inhérents à la fonction ou à l’emploi sur la base des dépenses réellement engagées par le salarié et justifiées (factures à l’appui). En effectuant un remboursement au réel des frais, la somme est exonérée de cotisations et contributions sociales.

À titre dérogatoire, l’employeur peut rembourser deux types de frais sous la forme d’allocations forfaitaires : les frais fixes et variables liés à la mise à disposition d’un local privé pour un usage professionnel et les frais de matériel informatique, de connexion et de fournitures.

Pour l’année 2024, les allocations forfaitaires sont exonérées de cotisations et contributions sociales dans la limite :

  • soit de 10,70 € par mois par journée de télétravail hebdomadaire (21,40 € par mois pour 2 jours par semaine etc.) ;
  • soit, en cas d’allocation fixée par jour, la limite d’exonération est égale à un montant de 2,70 € par jour de télétravail, dans la limite de 59,40 € par mois.

Evaluation et traitement des frais de télétravail : téléchargez l’infographie So Expert

Divers

Les transports : l’employeur prend en charge 50 % du prix des titres d’abonnements du salarié en télétravail pour ses déplacements entre sa résidence habituelle et son lieu de travail. Il s’agit des services de transports publics : métro, bus, tramway, train, location de vélo. Lorsque le télétravail ne s’effectue que sur 1 ou 2 jours par semaine, la prise en charge par l’employeur est identique à celle d’un salarié qui est en permanence dans l’entreprise. Le montant de l’abonnement est inchangé.

Titres restaurant : les salariés en télétravail bénéficient de titres restaurant.

Accident du travail : l’accident qui survient sur le lieu et au temps du télétravail est présumé être un accident de travail. Cela s’applique aussi bien au télétravail régulier qu’occasionnel. L’employeur peut bien entendu apporter la preuve que l’accident est étranger au travail.
Voir aussi notre article : Accident de télétravail, quelles sont les règles ?

Défi n°6 : attention à la législation !

Le dirigeants et employeurs doivent se tenir informés des évolutions réglementaires concernant le télétravail.

Pour éviter tout risque juridique, les entreprises doivent veiller et mettre à jour leur documentation : avenant, charte informatique ou de télétravail, règlement intérieur etc.

Conclusion

Le télétravail s’est imposé comme une nouvelle réalité du monde du travail, bouleversant les modes d’organisation traditionnels. Pour les entreprises, il s’agit d’une opportunité de repenser le travail en profondeur et d’améliorer la performance globale.

Bien qu’il offre de nombreux avantages, tels que l’augmentation de la productivité et de la flexibilité des salariés, le télétravail présente aussi des défis, comme la nécessité de repenser le management des équipes à distance, de garantir la sécurité informatique et de maintenir une culture d’entreprise forte. Le tout avec un cadre juridique et organisationnel solide.

Il est clair que le télétravail ne se substitue pas au travail en présentiel. Toutefois, la tendance est plutôt vers un modèle hybride, combinant les avantages des deux modes de travail. Cette hybridation permettra aux entreprises de répondre aux besoins et aux attentes des salariés tout en optimisant leur performance.

Se faire aider

  • Les Agences régionales pour l’amélioration des conditions de travail (Aract) – www.anact.fr/regions

Sources

Economie.gouv.fr
Servicepublic.fr
Droittravailfrance.fr
Ruedelapaye.com
RFPaye
Légisocial
ANI du 19 juillet 2005
ANI du 26 novembre 2020
Le télétravail, un objet sans désir ?

Crédits : visuels Freepik.

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